Aleem Punja, leader du secteur pour le RIPE, discute des défis que présente le déploiement et des raisons pour lesquelles le secteur du bien-être de l’enfance continue de progresser
D’ici quelques mois, près de la moitié des sociétés d’aide à l’enfance auront joint le Réseau d’information pour la protection de l’enfance (RIPE), le système d’information provincial qui était l’objet d’une recommandation principale dans plusieurs enquêtes. S’agit-il d’une étape charnière à célébrer?
Je crois que nous devons absolument célébrer cette étape charnière. Le secteur du bien-être de l’enfance est maintenant bien implanté dans un système d’information commun. L’atteinte de cette étape est cruciale pour notre engagement de remanier le système du bien-être de l’enfance de sorte qu’il serve mieux les enfants et les familles de la province. Mais le parcours à ce jour a été très tumultueux. Les sociétés d’aide à l’enfance (SAE) ayant déployé le RIPE font face à de gros problèmes qui doivent être résolus immédiatement. Dans son état actuel, le RIPE ne répond pas aux besoins des SAE.
Quels problèmes vous préoccupent le plus actuellement?
De graves problèmes techniques doivent être réglés de façon urgente, comme les difficultés que la plupart des agences ont à extraire les données du système sous forme de rapport. Par exemple, elles ne peuvent pas obtenir un rapport qui leur indique où leurs enfants pris en charge habitent. Pour des raisons évidentes, il s’agit d’un problème technique que le ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse (MSEJ) doit régler le plus tôt possible. Jusqu’à ce que ce problème soit résolu, les SAE doivent accéder à cette information en fouillant manuellement dans les dossiers.
Un autre problème technique grave est le nombre astronomique de doublons de dossiers d’enfants et de familles qui entrent dans le système par l’entremise du processus de migration des données. Comme il devrait n’y avoir qu’un seul dossier par enfant et famille, cela ajoute un haut niveau de complexité et de risque au travail des intervenants de première ligne qui doivent rapidement trouver de l’information pour prendre des décisions.
Par ailleurs, l’utilisation de la fonction de recherche du RIPE est beaucoup trop complexe et fastidieuse et peut entraîner des risques. Comme la recherche est l’une des fonctions les plus cruciales d’un intervenant lorsque la SAE reçoit un signalement relatif à la protection, il est crucial que cette fonction soit améliorée. Notre plus grande crainte est de ne pas pouvoir accéder à l’information requise pour assurer la sécurité d’un enfant.
Le Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario (SEFPO) mène actuellement une campagne relativement au RIPE, intitulée « RIPE : Financez-le et réparez-le! ». Le manque de financement du RIPE explique-t-il en partie le fait que le parcours vers le déploiement soit aussi accidenté?
Grâce au fait que 15 agences aient joint le RIPE, nous nous sommes rendu compte que les SAE ne peuvent pas mettre en œuvre et maintenir le RIPE dans le cadre de leurs budgets de fonctionnement actuels. De nombreuses SAE seront en situation de déficit en conséquence directe de la mise en œuvre du RIPE. Le MSEJ, en tant que bailleurs de fonds du bien-être de l’enfance et propriétaire du RIPE, doit régler cette pénurie de financement puisque nous ne voulons pas que les budgets des SAE servent à maintenir un système de TI au détriment des services aux enfants et aux familles.
La campagne du SEFPO mentionne aussi l’impact très négatif du RIPE sur les intervenants de première ligne. Pouvez-vous expliquer ce qu’il en est?
Les intervenants me disent constamment que de travailler dans le RIPE est le plus gros changement qu’ils ont vécu au cours de leur carrière. Un grand nombre de nos intervenants sont très à l’aise avec la technologie, et ils nous disent qu’en matière de gestion du changement, l’adaptation au RIPE nécessite un tout autre niveau de résilience de leur part. Par ailleurs, le fait de travailler dans un système commun accroît la charge de travail des intervenants de première ligne de façon exponentielle. Par exemple, les intervenants de première ligne comptaient auparavant sur les services des finances pour remplir les formulaires d’achat de matériel à l’intention des enfants dont ils s’occupent. Maintenant, les intervenants doivent entrer cette information eux-mêmes directement dans le système. Nous devons reconnaître ce que les intervenants vivent en première ligne, ainsi que trouver une façon de les appuyer dans leurs tâches quotidiennes, parce qu’ultimement, ce sont eux qui aident nos enfants et nos familles les plus vulnérables.
A-t-on pensé à interrompre le déploiement du RIPE jusqu’à ce que les problèmes aient été résolus?
En décembre dernier, le secteur a soumis un rapport décrivant les préoccupations et a rencontré des représentants du MSEJ, qui est responsable du RIPE, incluant le ministre, le sous-ministre et des membres du personnel. Plus récemment, le ministre et le sous-ministre ont visité la SAE de Toronto, et deux intervenants de première ligne leur ont montré à quoi ressemble une journée de travail dans le RIPE. Cela a été une excellente occasion pour le ministre, qui a été très engagé et a posé des questions judicieuses. Depuis ce temps, le ministre et le MSEJ ont renouvelé leur engagement dans une collaboration étroite avec le secteur, et ont convenu de former un partenariat mutuel. Nous croyons qu’une relation fondée sur un partenariat modifiera grandement l’intégrité du RIPE.
L’objectif d’un système d’information provincial est d’aider à assurer davantage la sécurité des enfants de l’Ontario. Sommes-nous plus près de ce but?
Je vais répondre à cette question en vous donnant un exemple. Au cours de la dernière semaine, plusieurs intervenants de première ligne ont eu besoin d’accéder à de l’information sur une famille après avoir reçu un appel relativement à une préoccupation de protection. Grâce au fait que 15 SAE sont intégrées au RIPE, ces intervenants ont été en mesure de faire une recherche numérique, ainsi que de connaître en quelques minutes les antécédents de la famille à plusieurs agences, ce qui leur a permis d’avoir le portrait complet dont ils avaient besoin pour prendre une décision éclairée. Auparavant, il leur aurait fallu appeler les autres agences pour obtenir cette information, un processus plus lent et fastidieux. Il y a donc effectivement de la lumière au bout du tunnel. Nous souhaitons tous que ce système fonctionne. En fin de compte, il s’agit d’enfants et de familles vulnérables. Alors que nous nous démenons dans ce cheminement complexe, nous devons les avoir toujours à l’esprit.
Faits saillants sur le RIPE
RIPE – Le nouveau Réseau d’information pour la protection de l’enfance qui permettra aux SAE de partager des renseignements de protection de l’enfance confidentiels entre les agences de façon sécurisée. Le RIPE sera aussi utilisé pour gérer des dossiers et les finances. Le RIPE est un projet quinquennal dirigé et financé par le ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse, qui est chargé du développement et de la gestion techniques de l’infrastructure de TI de ce produit.
15 – Le nombre de SAE utilisant maintenant le RIPE
9 316 – Le nombre de membres du personnel des SAE qui utilisent le RIPE chaque jour, soit 30 % du personnel de la province
30 % – Le pourcentage de dossiers du bien-être de l’enfance maintenant dans le RIPE
160 788 – Le nombre de nouveaux dossiers ayant été intégrés dans le RIPE depuis juin 2016
2020 – L’année à laquelle le RIPE devrait avoir été déployé dans toutes les SAE