Maria Harlick, responsable de la planification et de la stratégie, à l’AOSAE, partage ses dernières constatations.
Selon vous, qu’est-ce qui ressort de la dernière édition de l’étude?
Le rôle important que les besoins chroniques jouent dans le fait que les familles se retrouvent dans le système du bien-être de l’enfance est ressorti pour moi. Plus de la moitié (53 %) des enquêtes liées à la maltraitance en Ontario en 2013 impliquaient une personne responsable principale éprouvant des difficultés socioéconomiques. Cette constatation révèle que ce ne sont pas les cas de protection urgente, comme les mauvais traitements physiques, qui mettent principalement en danger les enfants et les jeunes de l’Ontario, mais les besoins chroniques continus engendrés par la pauvreté, la santé mentale et la toxicomanie. Je dois mentionner que les constatations relatives à nos indicateurs de rendement du bien-être de l’enfance ont aussi mené aux mêmes conclusions concernant le lien entre les besoins chroniques et la maltraitance des enfants.
Quelles sont les répercussions de ces constatations sur la façon dont nous abordons les mauvais traitements et la négligence à l’égard des enfants en Ontario?
Le fait que des problèmes chroniques et systémiques ont une incidence sur la capacité d’une famille à favoriser ainsi qu’à assurer la sécurité et le mieux-être de leurs enfants a des répercussions importantes sur la façon dont le système du bien-être de l’enfance appuie les enfants et les familles. Les types d’interventions pour ces familles doivent inclure des stratégies contribuant à régler leur situation, qu’il s’agisse d’un problème de logement, d’une absence d’emploi, ou autre. Les intervenants en protection de l’enfance doivent travailler étroitement avec d’autres secteurs du système qui ont l’expertise pour aborder ces problèmes plus vastes. En conséquence, ces constatations ont d’importantes répercussions sur l’ensemble du système de services sociaux et nos gouvernements. Le principal problème chronique est la pauvreté, et il s’agit d’un problème systémique que l’aide à l’enfance ne peut pas régler seule.
Dans l’étude, y a-t-il d’autres statistiques qui démontrent le besoin de changement?
Une récente analyse des données recueillies sur la race et la pauvreté montre que les enfants autochtones et afro-canadiens sont beaucoup plus susceptibles que les enfants blancs d’être l’objet d’une enquête, dirigés vers des services continus de bien-être de l’enfance et placés hors du domicile familial. Les nombres sont particulièrement élevés chez les enfants autochtones. Notre prochaine étape sera de diviser ces chiffres par âge, sexe, race, ethnie, religion, citoyenneté, lieu d’origine et orientation sexuelle, de sorte que nous puissions avoir une meilleure compréhension des enfants, des jeunes et des familles que les SAE servent. Par l’entremise de la Direction générale de l’action contre le racisme, le gouvernement de l’Ontario élabore une norme de cueillette de données ainsi qu’un guide et de la formation des utilisateurs à cet effet, afin de décrire la façon dont ces données délicates seront recueillies. Cette norme sera fondée sur les motifs du Code des droits de la personne de l’Ontario et s’appliquera à tous les ministères du gouvernement de l’Ontario.
Quelles autres choses les plus récentes constatations nous indiquent-elles au sujet des mauvais traitements que les enfants subissent aujourd’hui en Ontario?
Les données nous révèlent que les jeunes du groupe d’âge 12-15 ans sont l’objet de 23 % des enquêtes de mauvais traitements à l’égard des enfants. Il s’agit d’un chiffre considérable. Cela me porte à me demander ce qu’il en est du groupe d’âge 16-18 ans. La seule raison pour laquelle les données ne nous disent pas ce qu’il advient de ce groupe d’âge est que les lois de l’Ontario protègent seulement les enfants de moins de 16 ans.
Ces constatations de l’étude appuient le besoin d’élever l’âge de protection en Ontario. En fait, nous sommes l’une des rares provinces au Canada à ne pas offrir de services de protection jusqu’à l’âge de 18 ans.
L’Ontario Incidence Study recueille aussi de l’information sur les appels et les signalements que les Ontariens font à la SAE lorsqu’ils ont des préoccupations relatives à la sécurité d’un enfant. Y a-t-il des résultats intéressants dans cette catégorie?
Alors que les professionnels comme les enseignants et la police sont parmi ceux qui font la plupart des signalements, les fournisseurs de services de garderie appellent rarement la SAE pour faire part d’une préoccupation relative à un enfant.
Pourquoi le taux de signalements est-il si bas dans ce secteur?
Comme les fournisseurs de services de garderie prennent soin des enfants les plus vulnérables, les moins de 5 ans, qui ne peuvent pas toujours s’exprimer, nous devons explorer cet aspect davantage.
Ce cycle de l’Ontario Incidence Study révèle que dans 97 % des enquêtes, les enfants restent au foyer familial. Ce chiffre est-il surprenant?
C’est un chiffre qui peut être surprenant pour de nombreuses personnes pensant que le seul rôle de la SAE est de prendre les enfants en charge. Mais dans 97 % des enquêtes, nous aidons à renforcer les familles de sorte que les enfants soient plus en sécurité à leur domicile. Dans seulement 3 % de nos enquêtes, les enfants sont retirés de leur domicile et placés dans un foyer d’accueil ou selon une autre forme de placement, comme chez un membre de la famille élargie.
Pouvez-vous décrire le type de services que la SAE offre pour renforcer les familles?
Un intervenant en protection de l’enfance visitera une famille au domicile et élaborera un plan de services en collaboration avec la famille. Le plan cernera les forces ainsi que les aspects à améliorer.
Prenons par exemple une famille qui est associée à un groupe communautaire. Il s’agit là d’une force, en ce sens que la famille a un réseau social. Mais cette famille peut aussi vivre dans la pauvreté, et avoir de la difficulté à tenir un budget. Maman ou papa peut aussi avoir besoin de counseling en toxicomanie. Ou leur enfant peut avoir besoin d’aide aux devoirs, ce qui est la source de la tension. Leur intervenant mettra alors la famille en contact avec les ressources dont elle a besoin pour relever ses défis. En moyenne, un intervenant en protection de l’enfance travaille avec une famille pendant 22 mois pour résoudre la situation qui est à l’origine des préoccupations relatives à la protection.
L’Ontario Incidence Study of Reported Child Abuse and Neglect de 2013, dirigée par l’enquêteuse principale, Dre Barbara Fallon, est fondée sur 5 265 enquêtes de mauvais traitements à l’égard des enfants menées à l’automne 2013 et suivies dans 17 agences du bien-être de l’enfance de l’Ontario.
L’étude suit une enquête du moment où un intervenant d’accueil reçoit un appel concernant la sécurité d’un enfant jusqu’au moment où l’enquête est terminée.
Les résultats aident le secteur du bien-être de l’enfance à mieux servir les enfants et les familles en se penchant sur les problèmes systémiques qui sous-tendent les mauvais traitements et la négligence à l’égard des enfants, comme la pauvreté, la toxicomanie et la violence entre partenaires intimes.
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