La chef de la direction, Karen Spencer, parle du problème de violence familiale et de la façon dont le Family & Children Services of the Waterloo Region s’attaque au problème
L’Ontario Incidence Study of Reported Child Abuse and Neglect publié récemment montre que près de la moitié des enquêtes confirmées de la province concernent des enfants qui sont exposés à la violence au foyer. Quelle est l’expérience de votre agence?
Environ le tiers de nos signalements concernent des enfants à risque en raison de l’exposition à la violence au foyer, où ils ont subi des sévices ou sont à risque d’en subir. Et il s’agit aussi d’environ le tiers de nos cas courants.
S’agit-il d’un nouveau phénomène, ou vos données ont-elles toujours été aussi élevées?
Nos statistiques sont passablement stables depuis l’instauration des Normes de protection de l’enfance en Ontario en 2007. Nous attribuons la prévalence de la violence à notre compréhension accrue du risque de sévices affectifs et de l’impact de la violence sur les rajustements comportementaux et affectifs d’un enfant. Nous recourons à une perspective éclairée par les traumatismes dans nos évaluations de protection et avons une meilleure compréhension des sévices causés par la violence au foyer chez les enfants.
Comment votre agence fait-elle la distinction entre les types de conflits qui font normalement partie d’une relation et ceux qui sont abusifs en présence des enfants?
Nous encourageons une approche très prudente à l’évaluation, en écoutant attentivement l’histoire de la famille, et les antécédents familiaux. Nous utilisons d’abord les Échelles d’admissibilité – l’outil d’évaluation provincial des mauvais traitements et de la négligence – en tant que guide. Mais nous devons aussi nous pencher sur les antécédents de la famille. Nous nous posons les questions suivantes : « Dans quelles circonstances le stress lié à une séparation ou à un traumatisme familial se rapporte-t-il à la violence au foyer? », et « Dans quelles circonstances ce stress peut-il être géré ailleurs dans la communauté? » Nous devons discuter longuement avec les personnes pour obtenir des réponses à ces questions.
Si vous ne constatez aucun signe de mauvais traitements chez les enfants, comment évaluez-vous s’ils sont exposés à la violence?
Nous cherchons à savoir s’il y a présence de sévices affectifs, comme la menace persuasive, la dépréciation ou l’humiliation – ces types de comportements. Ils ont tous un impact affectif sur l’enfant. Et nous devons recourir à la loi (la Loi sur les services à l’enfance et à la famille [LSEF]). Le comportement doit atteindre un seuil de sévices. Il ne s’agit pas de mentionner simplement qu’il y a des sévices à chaque commentaire qu’un parent fait ou chaque fois qu’il élève la voix.
Nous devons constater qu’il y a un impact sur les enfants. Nous examinons la situation au-delà de l’événement, par exemple, les relations et les comportements que les enfants ont avec leurs parents. Ont-ils peur, je veux dire « visiblement peur »? Nous examinons leurs réponses et leurs réactions, et la façon dont ils s’en tirent.
Votre agence a instauré plusieurs programmes novateurs pour s’attaquer à la violence familiale. En quoi consiste le Family Violence Project?
Le Family Violence Project (projet contre la violence familiale) a débuté en 2006; il comprend une communauté de 12 organismes partenaires. La police, le Women’s Crisis Service, le bureau des procureurs de la Couronne, Carizon Family and Community Services, ainsi que le Programme d’aide aux victimes et aux témoins, sont parmi les partenaires engagés. L’objectif du projet est d’offrir aux victimes de violence familiale des services homogènes et intégrés, tous à partir d’un seul endroit. La prestation de tous les services à partir d’un seul endroit, un centre de counseling communautaire, est essentielle. C’est ce qu’on nomme le « regroupement ». Notre initiative représente l’un des premiers modèles de regroupement au Canada.
Quels sont les avantages du recours au modèle de regroupement?
Les gens obtiennent de ce programme une évaluation complète, un plan de partenaires communautaires, ainsi que des ressources communautaires composées d’équipes qui se concentrent sur la prestation d’une approche plus collaborative. Nous avons observé que le fait de travailler selon le modèle de regroupement et d’élaborer des plans communautaires a diminué le nombre de prises en charge des enfants et ralenti leur rythme. De plus, nous ne maintenons pas les cas ouverts aussi longtemps. Nous saisissons les choses plus tôt. Lorsque nous mettons fin à nos services aux familles, nous nous assurons qu’elles sont en lien avec d’autres ressources communautaires.
Vous avez aussi des services regroupés dans un refuge pour femmes. Quelle incidence cela a-t-il eue sur la façon dont vous aidez les enfants exposés à la violence au foyer?
Le refuge est un succès retentissant. Lorsque nous avons commencé à penser au regroupement des services au refuge, nous devions reconnaître les besoins de toutes les personnes : ceux des enfants, des parents, et même des agresseurs. Nous savions que si nous pouvions mettre une famille en confiance dès les premiers stades, nous risquions moins d’avoir à maintenir la prise en charge des enfants. Donc, lorsque nous avons regroupé notre personnel au refuge, cela reflétait ce qui se passait dans le Family Violence Project. Les personnes empruntaient le couloir juste pour venir discuter. Les intervenantes côtoyaient les familles qui vivaient là, et les familles croisaient notre personnel chaque jour. Les familles nous disaient : « Est-ce que je peux vous poser une question? » ou « Pourriez-vous m’aider pour cela? » Il y avait une grande communication, et la confiance régnait.
En engageant la famille et en élaborant des plans plus rapidement avec les autres fournisseurs de services, nous pouvions assurer un peu plus la sécurité des enfants. Notre intervention était plus rapide, et il s’écoulait moins de temps entre le signalement et le plan de sécurité, tout comme dans le Family Violence Project. Les mères et les intervenantes du refuge constataient que nous pouvions assurer la sécurité des enfants et des femmes.
Votre agence a fait de l’engagement des pères une priorité. Pouvez-vous en expliquer la raison?
Même avant que le Family Violence Project commence, nous avions commencé à explorer les perceptions et les hypothèses concernant les pères, au sein de notre agence. Nous devions savoir pourquoi le personnel trouvait plus difficile de s’engager avec les pères, ainsi que mieux comprendre nos perceptions et nos attitudes qui contribuaient à cette difficulté, parce qu’il ne s’agissait pas des hommes en soi. Dans le domaine du bien-être de l’enfance, nous tendons à ouvrir nos dossiers en déterminant que la mère est la principale personne responsable. Nous devions donc reconnaître qu’en plus d’être des pères, les hommes sont des personnes responsables importantes envers leurs enfants.
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