Aleem Punja, de l’AOSAE, discute des hauts et des bas du parcours vers un nouveau système d’information provincial pour le secteur du bien-être de l’enfance.
L’année 2016 est une grosse année pour le Réseau d’information pour la protection de l’enfance (RIPE), puisque cinq nouvelles agences l’adopteront à compter de ce printemps. Comment en êtes-vous arrivés à ce point?
Il est difficile d’exprimer à quel point l’adoption du RIPE est un projet gigantesque pour une agence — et le secteur. Le RIPE n’est pas seulement un projet des TI, c’est un projet global. Il s’agit d’une collaboration entre le secteur et le ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse (MSEJ), qui dirige l’initiative, où toutes les parties prenantes doivent mettre la main à la pâte. Le RIPE exige que chaque service d’une agence adopte de nouveaux processus opérationnels qui sont uniformes à l’échelle provinciale.
De nos jours, l’information constitue une partie importante des affaires, et particulièrement dans les activités de protection de l’enfance. En quoi le RIPE diffère-t-il des façons précédentes de traiter l’information dans le domaine du bien-être de l’enfance?
Le RIPE est un système informatique hautement sophistiqué et adapté qui modernise le secteur du bien-être de l’enfance en instaurant une approche uniforme de cueillette d’information dans toute la province. Le RIPE permet aussi d’assurer un suivi de l’information dans les sociétés d’aide à l’enfance (SAE) à une plus grande échelle que jamais auparavant. Chaque employé d’une SAE verse son information dans le RIPE. Cela inclut les renseignements recueillis au moment de l’accueil, ainsi que les renseignements concernant les enfants pris en charge, les procédures judiciaires, les placements en famille d’accueil et en foyer de groupe, ainsi que l’adoption. De plus, les dossiers et les renseignements financiers sont maintenant complètement intégrés, de sorte qu’en un coup d’œil, une agence peut déterminer les ressources qui sont déployées pour un enfant ou une famille en particulier. Un aspect réellement révolutionnaire du RIPE est qu’il donne aux intervenants de toute la province un accès intégré à l’information dont ils ont besoin pour accomplir leur travail correctement. Le RIPE remet en question les notions traditionnelles de partage de l’information, tout en respectant toujours les bonnes pratiques de protection des renseignements personnels.
Le jury dans l’enquête sur le décès de Jeffrey Baldwin a recommandé la mise sur pied d’un système d’information provincial afin de prévenir les situations où de multiples dossiers concernant une famille se trouvent à diverses agences. Comment le RIPE peut-il prévenir une tragédie semblable à celle du décès de Jeffrey?
Le RIPE vise à donner la capacité de voir un seul dossier provincial relatif à une famille, que tout intervenant de quelque agence que ce soit peut consulter sans obstacle. Le RIPE ajoute donc une couche additionnelle de diligence raisonnable. Mais les systèmes informatiques ne sont valables que si l’entrée des données par les humains et les processus opérationnels sont correctement appliqués. Si le RIPE n’est pas manipulé correctement, il ne pourra pas fonctionner à sa pleine capacité.
Quels sont certains des défis que présente le déploiement du RIPE?
Comme, dans l’histoire de l’Ontario, c’est la première fois que le secteur du bien-être de l’enfance utilise un système commun, il y aura inévitablement des difficultés à surmonter. Nous nommons les cinq premières agences ayant commencé à utiliser le RIPE les « five alive », et les prochaines à venir, les « coming alive ». Dans le lancement à venir, nous devons même amalgamer les données de deux anciens systèmes à Simcoe Muskoka Family Connexions, une agence récemment fusionnée. Le déploiement du RIPE se compare à l’installation d’un nouveau système d’exploitation sur votre ordinateur : il y a des limites à ce qu’une première version peut faire. Voilà pourquoi on émet des versions trimestrielles du RIPE et des mini-versions entretemps. Plus nous l’utilisons, mieux nous comprenons nos besoins, et mieux sera le RIPE.
Ce qui frustre actuellement de nombreux intervenants de première ligne est la façon dont les problèmes techniques sont résolus. Avant le RIPE, un intervenant n’avait qu’à émettre un billet auprès de son technicien des TI, qui pouvait résoudre le problème localement. Avec le RIPE, l’intervenant appelle le technicien des TI, qui émet un billet auprès du service de dépannage des TI de la Fonction publique de l’Ontario; le billet est ensuite mis dans une file d’attente jusqu’à ce qu’il soit analysé et priorisé. Nous collaborons étroitement avec le MSEJ pour améliorer les délais d’intervention et de résolution.
Vous êtes le lien entre le MSEJ et le secteur du bien-être de l’enfance, ce qui signifie que vous êtes aux premières loges de la plus importante initiative de changement du secteur du bien-être de l’enfance. Quelle est votre principale préoccupation?
En fait, j’en ai deux. La première est de nous assurer que les processus opérationnels sont harmonisés dans toute la province. Nous voulons que l’information soit entrée dans le RIPE de la même façon par chaque intervenant, peu importe l’agence où il travaille. Nous collaborons actuellement avec le MSEJ et les agences pour continuer d’améliorer cet aspect.
La deuxième est de nous assurer que nous avons les ressources disponibles pour déployer et soutenir le RIPE de façon appropriée, tant à l’échelle du MSEJ que des agences locales. Le RIPE est un projet de 130 millions $. Pour le déployer, le MSEJ octroie 220 000 $ à chaque agence, ainsi que des soutiens en matière de gestion de projet et de formation. Le MSEJ assume aussi les coûts liés au transfert de l’information de l’ancien système vers le RIPE. Du même coup, le Règlement no 70 du MSEJ défend aux SAE de faire des déficits. Il s’agit d’un projet qui exige de nouvelles infrastructures importantes, des mises à jour informatiques, de la formation et de nouveaux postes. Bien sûr, les soutiens offerts par le MSEJ sont une bonne chose, mais cela ne suffit pas.
D’ici 2020, toutes les SAE utiliseront le RIPE. Pourquoi déploie-t-on le système graduellement plutôt que d’un seul coup?
Le MSEJ a mandaté le cabinet de vérification PricewaterhouseCoopers pour déterminer la rapidité à laquelle nous devons progressivement supprimer les anciens systèmes d’information de la protection de l’enfance à chaque SAE et les remplacer par le RIPE. Leurs analyses ont démontré que l’adoption d’une approche de type « Big Bang » posait un risque trop élevé pour le secteur du bien-être de l’enfance et que, par conséquent, on augmentait le risque pour la sécurité des enfants, ce que nous voulions éviter. Une approche graduelle comporte beaucoup moins de risques et, conséquemment, beaucoup plus de potentiel de réussite. Les SAE auront besoin de 5 ans pour s’habituer au RIPE et produire des rapports conduisant à des analyses significatives.
Allez-vous être soulagé lorsque tout cela sera terminé?
Vous aurez peut-être de la difficulté à le croire, mais j’aime vraiment mon travail.
Faits saillants sur le RIPE
130 millions $ — le coût de mise en œuvre du RIPE
25 millions — le nombre de dossiers qui auront été transférés dans le RIPE en juin 2016
2692 — le nombre d’employés des SAE qui utiliseront le RIPE en juin 2016, soit 30 % du personnel de la province
2020 — l’année à laquelle le RIPE aura été déployé à toutes les SAE
10 — le nombre de SAE qui utiliseront le RIPE en juin 2016
6 — le nombre de SAE utilisant actuellement le RIPE