Introduction
Bien que j’aie siégé au conseil d’administration de l’AOSAE pendant 10 ans, cela semble un court moment, comparativement à l’histoire du bien-être de l’enfance au Canada. L’une des leçons les plus troublantes que j’ai tirées est que le chemin de l’enfer est vraiment pavé de bonnes intentions.
Actuellement, je me sens un peu comme ma nièce Kate qui, à 3 ans, est revenue à la maison de sa première journée en « classe d’accueil » (une maternelle au Québec), et a répondu fièrement à la question de sa mère « Qu’as-tu appris à faire à l’école aujourd’hui? » en disant : « Nous avons appris à partager, AVEC MOI! »
Donc, comment puis-je « décoloniser » ma pensée, comment puis-je aller au-delà de la pensée égocentrique de ma nièce de trois ans?
Comment puis-je m’éduquer et ouvrir mon cœur de sorte à me débarrasser de ma croyance enracinée que je sais vraiment ce qui est le mieux pour les enfants, et commencer à cheminer avec des personnes d’autres cultures et religions pour améliorer le mieux-être des enfants? Même si je quitte l’AOSAE, voilà la question que j’emporte avec moi en partant. Donc, merci à vous tous pour cette expérience profonde.
Si je devais continuer à siéger au conseil d’administration de l’AOSAE, voici des questions que je recommanderais qu’on se pose pour l’avenir immédiat :
Que signifie d’être engagés dans le mieux-être de l’enfance, plutôt que le bien-être de l’enfance?
Durant mon mandat de présidente du conseil, un des députés provinciaux de l’opposition m’a arrêtée d’un coup, en me faisant cette observation : « Nous investissons tout cet argent pour servir les enfants; pourquoi le suicide chez les adolescents est-il toujours en croissance? »
Les réponses que nous avons fournies, ici à l’AOSAE, au sujet de ce que le système du bien-être de l’enfance accomplit n’ont pas impressionné ce politicien, parce qu’elles étaient bien loin de répondre à la vraie question. Si la vraie question est « Comment réduisons-nous le suicide chez les enfants? », nous devons trouver la façon de mesurer l’impact cumulatif de notre travail avec celui des conseils scolaires, des agences de santé mentale pour les enfants, de la police, du système de justice, entre autres, et non seulement l’impact de notre propre travail.
J’ai vécu un exemple, petit mais puissant, de l’impact collectif lorsque j’effectuais un sondage dans un centre de soins en santé mentale pour les enfants dans une autre province. L’utilisation d’indicateurs de rendement était nouvelle pour le système d’agrément que je représentais. Durant le sondage sur place, j’étais en réunion avec les dirigeants d’un nouveau programme de résidences et de soins externes visant à réduire la prostitution de rue chez les jeunes. Ils s’étaient présentés avec de nombreux graphiques et tableaux, afin de me montrer comment ils mesuraient le rendement. Ils semblaient très anxieux.
Je leur ai demandé si leur programme était une réussite; ils ont répondu immédiatement et fermement « OUI! » Lorsque j’ai demandé « Comment le savez-vous? », voici ce qu’ils ont répondu :
- Les statistiques de la police pour les trois dernières années (la période durant laquelle le programme avait cours) révèlent une diminution constante, pour la première fois depuis de nombreuses années, du nombre de jeunes arrêtés pour prostitution.
- Au début, nous avions une très longue liste d’attente pour nos lits, et un programme de sensibilisation très restreint.
- Nous avons maintenant des lits vacants et un vaste programme de sensibilisation.
- Les statistiques de la police révèlent toujours une amélioration.
- Nous servons maintenant beaucoup plus de jeunes avec le même budget.
Aucun travail de recherche additionnel, simplement l’utilisation de l’information déjà recueillie par un partenaire communautaire pour mesurer les résultats – réellement très puissant.
Il existe des modèles et des outils qui peuvent nous aider à mesurer l’impact collectif.
Mesurons-nous des résultats importants, ou des processus et des résultats qui sont anodins, mais faciles à mesurer? Qui doit déterminer ce que nous mesurons?
- Comment saurons-nous si le mieux-être des enfants autochtones s’améliore avec le temps?
- Comment saurons-nous si le mieux-être des enfants francophones de l’Ontario s’améliore?
- Comment saurons-nous si les résultats des enfants juifs de l’Ontario s’améliorent?
- Des enfants canadiens noirs?
- Des enfants vietnamiens, syriens et autres.
Qui doit déterminer quel « mieux-être » est approprié à chaque enfant?
- L’enfant?
- La famille de l’enfant?
- La communauté culturelle de laquelle l’enfant fait partie?
- Les fournisseurs de services?
- Le gouvernement?
- D’autres entités?
- Une combinaison de ces entités?
S’il y en a une, quelle est la valeur ajoutée d’un conseil d’administration?
Nous mesurons nos propres progrès par l’entremise du processus d’autoévaluation de notre conseil. Il s’agit d’un début, mais cela n’est pas suffisant.
Comment nos partenaires communautaires répondraient-ils à la question « Les conseils d’administration des SAE ajoutent-ils de la valeur? » Des partenaires communautaires comme :
- Les conseils des Permières nations
- Les conseils scolaires locaux
- Les fournisseurs de services de santé mentale
- Les défenseurs des droits des enfants
- Les députés provinciaux
- Les fonctionnaires
Responsabilité légale : De quel côté voulez-vous être lorsque vous vous retrouvez à la cour?
Il y aura toujours des contradictions entre les politiques et la réalité consistant à répondre aux besoins uniques de chaque enfant dans tous les types d’environnement.
Préférez-vous que votre personnel fasse ce qui sera probablement le mieux pour un enfant donné ou qu’il respecte une politique approuvée, si les deux options sont en contradiction? En tant que conseil d’administration, quel est votre rôle lorsqu’il s’agit de diriger votre agence pour répondre à cette question et mettre en œuvre les valeurs, les pratiques et les soutiens appropriés pour le personnel?
En conclusion :
« Bonne chance » signifie « good luck », en reconnaissant que le résultat de tout événement peut être une réussite ou un échec, en fonction des facteurs qui sont au-delà de notre contrôle.
« Bon courage » signifie de souhaiter à une personne la force de cœur réelle lui permettant de traverser toute épreuve ou situation, ainsi que d’accomplir les tâches difficiles pour atteindre ce qu’elle est déterminée à atteindre.
Donc : Bon courage et bonne chance. Merci pour ces 10 dernières années, et au revoir!
Marilyn Dumaresq, ancienne présidente du conseil à la retraite, conseil d’administration de l’AOSAE
Discours à l’Assemblée générale annuelle de l’AOSAE 2017